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7-2-2013 à 12:10:57 |
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Combien de joueurs vibrent encore aujourd'hui en imaginant apparaître ce gros logo bleu sur un écran, accompagné d'un "SEGAAAAA" à la voix digitalisée ? Dans les esprits, SEGA est avant tout une icône de l'univers vidéoludique, un monde qu'il a su faire évoluer en étant un de ses principaux acteurs. Mais la question que nous nous posons aujourd'hui est la suivante : que reste-il de cet ogre, ce Pantagruel autrefois légitimement et universellement considéré comme un éléphant de l'industrie ? Est-ce que SEGA, c'est toujours plus fort que toi ? Pour cela, examinons un peu les différentes routes prises par ses dirigeants, notamment en ce qui concerne le marché des consoles et des PC.
L'essor, puis la chute d'un constructeur
On ne s'attardera pas sur le passé de SEGA avant que la boîte ne s'attaque réellement aux jeux vidéo. Ce dont on doit se rappeler, c'est qu'après un essor fulgurant dans les années 70 grâce aux bornes d'arcade, le constructeur s'est lancé dans les consoles de salon. Leur première machine du genre fut la SG-1000, qui eu la mauvaise idée de sortir le 15 juillet 1983 au Japon. Bon, la date ne vous dit peut-être rien, mais si je vous dis que c'est aussi le jour de sortie de la NES, vous comprenez soudainement l'échec retentissant de ce brouillon. Peu importe, la Master System (surtout en Europe), puis la Mega Drive rattraperont largement le coup, faisant de SEGA un pilier du genre, de ceux que l'on pensait indétrônables. On ne compte plus les licences nées à l'époque, Sonic en tête bien évidemment.
Malheureusement, la deuxième partie des années 90 fut une véritable descente aux Enfers pour le mastodonte, par des erreurs répétées qui tournent souvent autour des mêmes problèmes : un timing calamiteux et une absence de ludothèque de départ. On a d'abord vu les accessoires de la Mega Drive, dont le 32X arrivé dans une période bâtarde peu avant la sortie de la PlayStation et de la... Saturn (oui, SEGA s'auto-concurrence, c'est stylé). Cette même Saturn, qui une fois parue, et malgré quelques excellents titres, manquait terriblement de blockbusters dans son line-up original (surtout à cause d'une sortie anticipée aux Etats-Unis) mais aussi d'un prix trop élevé par rapport à la PlayStation qui attendait patiemment son heure, dans l'ombre. Mais comme il en fallait plus pour faire tomber une icône comme SEGA, c'est l'échec de la Dreamcast qui l'acheva malgré des qualités évidentes. Là encore, c'est une ludothèque initiale faiblarde (surtout au Japon) et l'arrivée prochaine de la PlayStation 2 qui ruina les espoirs de la firme. C'était décidé, SEGA ne ferait plus de consoles et arrêta les productions de Dreamcast en 2001. Un monde s'écroulait.
SEGA, développeur tiers
Mais c'est justement ce nouveau SEGA qui nous intéresse vraiment aujourd'hui. Ce SEGA qui, en plus de l'édition de jeux, se mit à développer pour les consoles autrefois concurrentes. Ce qui aurait été une hérésie quelques années auparavant était devenu un fait, qui commença par l'arrivée de ChuChu Rocket! sur Game Boy Advance. Un jeu SEGA sur une console Nintendo, sacrilège ! Mais les temps avaient changé et l'intention principale de la firme nippone était de sauver sa peau. Après plusieurs années de pertes financières, c'est d'ailleurs CSK Holdings (qui détient une grosse partie de la boîte) qui renfloue les caisses en 2001 pour relancer la machine. Pendant plusieurs années, tout semble au beau fixe, notamment avec l'achat d'un studio comme Sports Interactive, auteur des très addictifs Football Manager. Gros bémol toutefois en 2005 : la vente du studio Visual Concept et de sa série de jeux de sport "2K" à TakeTwo Interactive. Quand on sait le succès des NBA2K, aujourd'hui sans concurrence, on a vraiment du mal à s'expliquer ce choix. Un très très gros chèque, sûrement.
Licence to be killed
Ces dernières années ont été marquées par quelques échecs répétés, plutôt étonnants de la part d'un monstre comme SEGA. On pourrait notamment citer l'exploitation de jeux à licence comme le RPG Alien par Obsidian Interactive (Alpha Protocol, Fallout New Vegas) finalement annulé pour d'obscures raisons alors qu'il était pratiquement fini. On a aussi le jeu tiré du film A la Croisée des Mondes : La Boussole d'Or qui n'aura pas marqué son temps, ou encore le fameux Iron Man du studio Secret Levels, qui provoque encore quelques rires compulsifs chez certains (heureusement, il a eu une suite...). Mais le plus inquiétant, c'est plutôt le terrible essoufflement qui semble plomber les marques estampillées SEGA, tous ces noms autrefois forts qui ont perdu leur éclat. Sérieusement... Vous avez joué à Altered Beast en 2005 ? A Golden Axe : Beast Rider en 2008 ? Au dernier Virtua Tennis ? Et surtout, comment un personnage comme Sonic, icône parmi les icônes, a pu prêter son nom à tant d'oeuvres médiocres au fil des années ? Certes, en fouinant, on peut trouver quelques bons titres dans le tas, mais une telle série ne devrait-elle pas être toujours au-dessus du panier vidéoludique ? Son ennemi juré Mario n'est-il pas, encore aujourd'hui, gage de qualité de façon bien plus systématique ?
Et aujourd'hui ?
Si pour beaucoup de joueurs, l'évocation du nom SEGA fait encore vibrer la corde sensible, que se passe-t-il si on essaie de prendre un peu de recul pour voir ce qu'est devenu l'éditeur aujourd'hui ? Que verra un joueur nouveau qui ne connaît rien du passif de la firme japonaise ? Il faut se faire une raison, SEGA ne dégage plus la magnifique aura qui était parfois la sienne. Mais avant de lapider à mort l'auteur de ces lignes, comprenons-nous bien : SEGA n'est pas mort, loin de là ! L'arrivée de Total War : Rome II, la licence Football Manager, Project Diva au Japon ou encore le succès de Yakuza 5 démontrent que la boîte en a encore beaucoup sous le capot. Toutefois, SEGA a aussi mis quelques-uns de ses deniers dans d'autres titres dont la future réussite est bien moins prévisible. Aliens Colonial Marines et ses 70 reports a l'air bien parti pour finir en déception, les branches occidentales de Phantasy Star Online 2 s'enterrent dans un mutisme complet alors que le titre est censé paraître hors Japon début 2013, des séries comme les Super Monkey Ball sont en perte de vitesse et le studio PlatinumGames (MadWorld, Bayonetta, Vanquish) est parti vers d'autres contrées. Plus que jamais, c'est la communication de Sega qui étonne ces derniers temps. Par exemple, on peut se demander comment un titre comme The Cave, qui réunit tout de même Ron Gilbert et Tim Schafer (notamment connus pour Monkey Island), a pu bénéficier d'une communication aussi minimaliste, allant jusqu'à annoncer sa date de sortie seulement une petite semaine à l'avance...
Conclusion
Bien évidemment, tout le monde ne sera pas d'accord avec cette vision des choses. Au lieu de voir cet article comme un avis imposé, prenez-le plutôt comme une ouverture à la discussion, ou encore comme les marmonnements maussades d'un trentenaire devant un bijou qui ne brille plus comme avant. SEGA est loin d'être enterré, et l'acquisition récente du studio Relic Entertainment (Warhammer, Company of Heroes) suite à la disparition de THQ semble être une bonne chose pour l'éditeur. Mais ce qui reste indubitablement regrettable, c'est qu'aussi bonne soit la politique de SEGA, résolument tournée vers l'Occident mais aussi vers le online (free-to-play, iPhone), elle tend malheureusement vers la disparition de grands noms qui ont fait de l'éditeur un géant il y a de cela maintenant belle lurette, du temps où Yuji Naka (Sonic) et Yu Suzuki (Hang-On, Virtua Fighter, Shenmue) en étaient les murs porteurs. "Blasphème !" crieront certains, "Tant mieux !" s'exclameront d'autres. Quoi qu'il en soit, nous vous laissons avec cette liste non-exhaustive de licences aujourd'hui laissées à l'abandon...
- Alex Kidd
- Altered Beast
- Chu Chu Rocket
- Columns
- Ecco the Dolphin
- Eternal Champions
- Fantasy Zone
- Golden Axe
- Jet Set Radio
- NiGHTS
- OutRun
- Panzer Dragoon
- Samba De Amigo
- Shenmue
- Space Channel 5
- Streets of Rage
- ToeJam & Earl
- Wonder Boy
Avec toutes ces franchises endormies, mais aussi avec Sonic, Football Manager, Total War, avec le récent rachat de Relic Entertainment, Sega a toutes les cartes en main pour redorer son blason. Alors on croise tous les doigts pour que la grande firme au hérisson bleu reparte à la conquête de ceux qui ne l'ont jamais oubliée depuis l'époque des consoles 8 et 16 bits.
Anagund
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Par lpd11, Rédacteur en chef de lpd11.free.fr |
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